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Le séjour au collège prend fin. Une fête le conclut, quelques discours aérés par un chœur de jeunes filles. Emily est une des choristes. Elles chantent, les vierges d'Amherst. Elles pépient. Personne ne distingue au milieu du chœur des moineaux le rouge-gorge – Emily.
L'ange de la conversion traîne ses guêtres dans la région. On le voit rôder, son épée de bois à la main, à Mount Holyoke, devant les murs de l'école où Emily entre pour un nouveau cycle d'études. Il y a là trois cents filles qui picorent le grain du savoir sous la lumière blafarde des sermons quotidiennement dispensés. La mère poule, Mary Lyon, surveille son monde, repère les âmes boiteuses. Le jour où les élèves sont invitées à se lever de leurs chaises pour manifester leur appartenance à la nouvelle Église, toutes obéissent, sauf Emily. Alerté par le brouhaha des réprobations jalouses, l'ange de la conversion arrive, regarde la jeune réfractaire sur sa chaise, établit son diagnostic : inutile d'insister, celle-là ne changera pas. Le bois de son cercueil sera le même que celui de son berceau. Toutes les sociétés colonisent le ciel. Emily ne veut faire partie d'aucune, surtout pas l'association des amis de Dieu. Si Dieu veut venir, il sait où la trouver. Que les bons élèves aillent à leurs belles cérémonies. Un saint n'est pas un bon élève.
Emily ne reste que quelques mois à Mount Holyoke. Le souhait du père de voir sa fille à nouveau chez lui met fin à ses études. Quand elle revient, tous sont à la porte pour l'accueillir, de sa mère « aux yeux pleins de larmes au chat qui cherche à être aussi gracieux que sa dignité naturelle le lui permet ». Puis la maison se referme sur elle comme une huître sur sa perle. Elle ne lui échappera plus. « La maison est ma définition de Dieu » – et Dieu ne souffre aucune absence.